Rééducation politique au collège

 

Il est des articles de presse qui disent des choses intéressantes. Parfois sans le vouloir. Sans même le savoir.

L’article1 de Marine Forestier dans le Monde du 12 avril 2016 est de ceux-là.

Si la journaliste avait compris ce que son article montrait, elle ne l’aurait probablement pas publié.

Le problème de cette journaliste, c’est qu’elle a probablement écrit son article avec sa plume de journaliste de gauche, immigrationniste et politiquement correcte. Et que son article fait voir des réalités diamétralement opposées : çà dépend si l’on a les même œillères qu’elle, ou pas.

Son article décrit un « atelier d’écriture » dans le collège de Saint-Amant-Roche-Savine, dans le Puy-de-Dôme. Le collège a invité le musicien Cyril Amblard, qu’on devine plutôt de gauche, pour faire écrire aux collégiens une chanson sur l’actualité. Le thème de la chanson : la « crise des migrants ».

L’« atelier » décrit dans l’article se déroule début avril.

Il a été précédé d’une séance en mars où le musicien a demandé aux enfants à quoi ils associaient le mot « migrants » ; le musicien a été surpris. Les collégiens ont cité les mots « espoir », « bateaux » et « solitude » ; ce sont les mots que l’équipe éducative attend. Mais il y a aussi eu les mots « AK47 » et « terroristes » ; ces deux mots, il n’est pas normal, il est inacceptable de les associer aux migrants. C’est assez explicite dans le récit écrit par la journaliste. « Parmi les « espoir », « bateau » et « solitude », ont surgi « AK47 » et « terroristes » ». Les premiers mots sont acceptés, les deux derniers mots ont « surgi », ils ont fait irruption, alors qu’ils n’étaient pas désirés.

L’article qui décrit l’« atelier » d’avril peut être lu de deux manière différentes, suivant le lecteur. Le lecteur immigrationniste de gauche y voit probablement le combat dur, courageux et méritoire de deux enseignantes soucieuses d’inculquer des valeurs d’accueil à leurs élèves ; les autres y voient une séance de torture psychologique horrible de deux professeurs sur leurs jeunes élèves ; car les deux enseignantes se comportent de manière ignoble, comme deux commissaires politiques. Leur attitude inspire un mélange d’horreur et de gêne.

Le méchant de l’histoire, c’est Rémi. Vraiment un pauvre type, ce Rémi. Savez-vous comment je le sais ? Je le sais grâce à son classeur. C’est d’ailleurs avec cet accessoire scolaire que commence l’article. « Il est un peu moche, son classeur, Rémi. C’est un de ces classeurs qu’on traîne d’une année sur l’autre, pour éviter d’en racheter un à chaque rentrée. Il manque la moitié de la couverture, un drapeau britannique. Ne reste que la tranche en carton, et elle-même est mal en point. » Quel pauvre gars, ce Rémi, il ne change pas de classeur chaque année, il ne se met pas à la mode. En plus de sa tare d’être démodé, il a peut-être une autre tare, le Rémi : il est peut-être économe, il n’est peut-être pas riche, ses parents n’ont peut-être pas les moyens de lui payer un nouveau classeur chaque année. Démodé et pauvre, on comprend que ces caractéristiques ne provoquent pas de sympathie particulière chez une journaliste de gauche ; un vrai collégien de gauche aujourd’hui, çà s’habille avec des chaussures de sport et des habits de marque, dont le prix est supérieur au salaire mensuel d’un ouvrier. Un collégien pas de gauche peut quand même s’attirer la sympathie de la gauche, s’il est d’origine immigrée, et qu’il se paie ses fringues hors de prix avec la drogue qu’il vend. Mais un pauvre de souche, quelle horreur. Pour couronner le tout, le Rémi est aussi un peu névrosé, et c’est son pauvre classeur qui en fait les frais : « il l’émiette nerveusement depuis que sa prof lui demande pourquoi il ne veut pas aider les migrants. »

Heureusement, tous les élèves ne sont pas comme çà. Certains sont bien formatés, et sont capables de bien répéter sans réfléchir ce que leur racontent leurs enseignants, en débitant des niaiseries d’apitoiement sur les immigrés. Ainsi, Chloé sait écrire un couplet « qui plaît beaucoup » au musicien :

« Des gens me regardent comme une bête en cage.

Il me manque la mélodie de ce pays.

Des parfums inconnus migrent dans ma vie. »

L’article du Monde contient deux pics d’intensité.

Le premier, c’est quand le professeur d’Histoire-géo s’adresse à Rémi. Les socialistes y verront une prof attentionnée. Pour les autres, c’est un haut-le-cœur face à son comportement scandaleux. « Sa prof d’histoire-géo, Emilie Tardes, s’accroupit à côté de lui. Elle lui rappelle les Français qui ont caché des juifs lors de la seconde guerre mondiale. Rémi baisse la tête. Le petit tas de miettes de son classeur grossit un peu plus. » Outre le caractère assez peu pertinent de la comparaison, c’est son caractère odieux et déplacé qui choque. Sans honte aucune, ce professeur se permet de d’accuser un de ses jeunes élèves d’être semblable à un nazi, à un exterminateur de juifs, ou au minimum à un complice insensible à de tels crimes, parce qu’il ne partage pas les opinions politiques de sa prof sur l’immigration.

La prof d’anglais, Sarah Frugère, s’essaie à un autre argument, plus ou moins foireux : « Quand tes parents paient leurs impôts, c’est aussi pour aider les autres. »

On l’a compris, la présence de ce Rémi est vraiment pénible. Et horreur ! Comme si çà ne suffisait pas, il a un ami, le « blondinet » Nicolas.

« Son copain Nicolas s’en mêle : « C’est ton opinion Rémi, t’as le droit. » Lui non plus d’ailleurs, n’aiderait pas les migrants : « J’aurais pas de pitié », explique le blondinet, avec un sourire blasé. « Les attentats, je savais que ça allait arriver. La France c’est le truc de la liberté. Les terroristes voulaient nous toucher. Moi je n’accueillerais plus de migrants parce que les terroristes se mêlent avec eux et après ils font des attentats », affirme-t-il. »

On bien sent que la journaliste n’éprouve pas non plus d’empathie pour Nicolas. Il ne veut pas accueillir des immigrés, il a un « sourire blasé », et c’est un « blondinet ». La blondeur de ses cheveux doit être quelque chose d’important ; l’article ne nous informe pas sur la couleur de la chevelure des autres personnes citées….

Heureusement, il y a quand même des garçons bien dans cette classe. « « Ils sont butés. Quand on débat avec eux, ça part vite en cacahuètes », estime Ludovic, très content, lui, d’avoir appris plein de choses sur les migrants. » Le gentil Ludovic ! On ne sait pas trop c’est quoi les tout plein de trucs qu’il a appris sur les migrants, mais en tous cas, Ludovic a appris une chose très utile : avec les profs qu’il a, il vaut mieux être favorable à l’immigration de masse s’il ne veut pas être harcelé par les commissaires politiques du collège, et avoir de bonnes notes.

Le second pic d’intensité de l’article, c’est quand Rémi donne les paroles du troisième couplet de la chanson, rédigé avec son pote Nicolas.

« L’argent ne tombe pas du ciel,

arrêtez de vous plaindre et cherchez du boulot.

Il n’y a pas un coffre rempli d’or

au pied de l’arc-en-ciel. »

En lisant çà, on a d’abord un sourire ou un éclat de rire. Et on est fier du petit Rémi, qui a crânement résisté à la séance de rééducation politique des deux mégères hargneuses. Ce n’est probablement pas l’objectif de la journaliste, qui doit être plus en emphase avec les professeurs, qui ne semblent pas comprendre qu’on puisse leur résister.

Les pauvres professeurs sont abattus. « On tourne en rond. Les profs, exaspérées, ont besoin de souffler ».

Cet article n’a évidemment entraîné aucune réaction, ni des parlementaires, ni du ministre de l’Education, ni de la presse. Les deux professeurs n’ont apparemment pas été sanctionnés.

Que se serait-il passé dans une situation similaire, mais idéologiquement contraire ? Si des professeurs avaient stigmatisé et harcelé certains de leurs élèves, sous prétexte qu’ils étaient favorables à une politique d’immigration excessive ? Il est quasiment certain que nous aurions eu des manifestations ; que les syndicats de défense des enseignants auraient estimé que leur rôle était de demander la révocation de ces enseignants ; que la presse se serait déchaînée ; que le ministère de l’Education aurait pris des sanctions.

Mais là rien.

Et pourtant, relisez bien ce passage honteux : « Sa prof d’histoire-géo, Emilie Tardes, s’accroupit à côté de lui. Elle lui rappelle les Français qui ont caché des juifs lors de la seconde guerre mondiale. Rémi baisse la tête. Le petit tas de miettes de son classeur grossit un peu plus. »

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1- Marine Forestier : « Quand migrants rime avec espoir, bateau, AK47, terroristes : un atelier d’écriture en classe de 3e », le Monde, 12 avril 2016 (site Internet)

 

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