Même si les temps changent, je reste attaché aux signes de politesse qui sont une des marques de notre société civilisée, comme de laisser les places assises aux dames ; mais ce n’est pas respecté par tout le monde.
Je m’évertue donc à me plier à ces usages.
Mais il y a une attitude qui me surprend encore plus que l’impolitesse de certains hommes, c’est l’attitude de certaines femmes.
Peut-être est-ce partiellement dû aux comportements robotiques des usagers du métro.
Quand je cède ma place assise à une femme, je ne m’attends pas à une avalanche de remerciements extasiés, mais peut-être à un merci, au moins un regard, un sourire ou un hochement de tête.
Mais je suis toujours un peu éberlué quand il n’y a rien, absolument rien. On dirait que la dame a une espèce de sonar qui la prévient qu’une place vient de se libérer ; et elle se l’approprie sans détacher ses yeux de son téléphone portable. Rien d’autre n’existe dans cette rame de métro qu’elle, son téléphone et son lien à cet objet.
Désormais, dans ce genre de situation, j’ai pris l’habitude d’adresser à la dame en question, généralement d’un âge peu avancé, un « de rien » appuyé.
Parfois, elle comprend instantanément. Parfois ce n’est pas le cas, elle demande ce qui se passe, et je lui explique que comme je lui ai laissé ma place, elle m’a sûrement dit merci, et que je lui répondais donc : de rien.
Souvent, c’est un sourire gêné qui vient alors, avec un petit merci. Parfois quand même, c’est un rictus haineux, qui semble dire « gros connard », et qui révèle en fait la grosse connasse.
Mais il arrive aussi que la dame n’entende même pas le « de rien ». La dernière fois, c’était au rayon fruits et légumes d’un supermarché. Les rayons étaient encombrés par des palettes de transport des employés qui mettaient en place leur marchandise. J’étais avec mon chariot. Je laisse passer une dame, qui passe donc, les bras et mains en l’air comme dans une publicité télévisée pour déodorant pour les aisselles féminines, portant à bout de bras, pour autant que je me souvienne, dans une main un chou-fleur et dans l’autre une salade. Pas un mot, pas un regard, et elle n’a pas semblé entendre mon « de rien »…
En tous cas, je ne me décourage pas ; je pense que mon « de rien » contribue quand même à améliorer la vie en société.