Stoke et Copeland

Le 23 février 2017, deux élections législatives partielles étaient organisées en Grande-Bretagne, dans deux circonscriptions travaillistes, Stoke-on-Trent et Copeland.

La manière dont les résultats de Stoke-on-Trent, connus avant ceux de Copeland, ont été annoncés sur le site Internet du quotidien le Monde est remarquable.

Sur la page d’accueil du Monde, dans la rubrique « en continu », le résultat est annoncé de la manière suivante : « Echec d’europhobe dans un fief Brexit ».

Lorsqu’on accède à l’article1, son titre est : « Législative en Grande-Bretagne : un bastion pro-Brexit vote contre le chef du parti europhobe ».

L’article indique que la circonscription de Stoke-on-Trent est un bastion pro-Brexit, qui a voté à 69,4% pour le Brexit (sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne) ; que le candidat du parti travailliste « a rassemblé 7 853 voix, contre 5 233 voix » au candidat du UKIP ; que lors des législatives de 2015, « à Stoke, le candidat Ukip avait terminé loin derrière son rival travailliste (23% contre 39%) lors d’un scrutin marqué avant tout par une très forte abstention ».

Que peut-on remarquer dans ce texte ?

D’abord, et c’est courant dans la presse dominante, l’utilisation systématique et exclusif de l’adjectif « europhobe », qui vise à rapprocher le souverainisme soit d’une maladie (arachnophobe, agoraphobe, claustrophobe,……), soit d’un délit (xénophobe, homophobe).

Ensuite, cette élection est présentée comme un échec du parti europhobe UKIP, en insistant que cette circonscription avait très largement voté pour le Brexit. Cependant, cette circonscription n’était pas détenue par le UKIP, mais par le parti travailliste ; tout l’article vise à montrer que le candidat du UKIP a été battu ; or la réalité est qu’il n’a pas réussi à conquérir une circonscription travailliste, ce qui est quand même légèrement différent ; certes, noyé dans l’article, est évoqué le « maintien » de la circonscription dans le « giron travailliste », ce qui revient à dire celà, mais çà passe presque inaperçu dans le flot de l’article.

On peut ensuite noter la manière dont sont présentés les chiffres. 7853 voix au parti travailliste contre 5233 voix pour le UKIP, ce qui donne l’impression d’une victoire écrasante des travaillistes. Si, au lieu de donner les chiffres pour les deux premiers candidats, le Monde les avait publiés pour les quatre premiers, celà aurait donné 7853 pour les travaillistes, 5233 pour le UKIP, 5154 pour les conservateurs et 2083 pour les libéraux-démocrates ; ce qui montre une position beaucoup moins majoritaire des travaillistes.

Enfin, les résultats sont donnés en nombre de voix pour 2017, et en pourcentage pour 2015, ce qui rend impossible pour le lecteur toute comparaison. Si les pourcentages avaient été publiés, les lecteurs auraient plus constater que le parti travailliste, tout en conservant son siège, passait de 39,3% en 2015 à 37% en 2017, tandis que le UKIP progressait (de 22,7% en 2015 à 24,7% en 2017), de même que les conservateurs (de 22,5% en 2015 à 24,4% en 2017). Ce qui change la lecture des résultats de l’élection……

Accessoirement, notons que la « forte abstention » de 2015 s’était traduite par un taux de participation de 49,9% (contre 36,7% en 2017).

Les résultats de la seconde élection du week-end, à Copeland, sans doute connus plus tard, ne sont pas donnés dans cet article ; le parti travailliste a perdu cette circonscription qu’il détenait depuis des décennies. Le parti conservateur a conquis ce siège en obtenant 44,3% des voix (35,8% en 2015), battant les travaillistes à 37,3% (42,3% en 2015), tandis que le UKIP s’effondrait à 6,5% (15,5% en 2015).

A noter que le site du Monde a publié plus tard le jour-même un second article2 qui, en omettant de comparer les résultats avec 2015, reste sur l’idée que l’élection de Stoke-on-Trent est un échec pour le UKIP. Ce second article est néanmoins beaucoup moins caricatural que le précédent. Son idée-maîtresse peut évidemment être discutée, mais mérite au moins d’être sérieusement prise en compte : « L’ordre électoral qui s’est mis en place au Royaume-Uni depuis le référendum sur le Brexit se confirme : les conservateurs sont les grands vainqueurs, les travaillistes les grands perdants, et le UKIP (United Kingdom Independence Party), le parti anti-européen, peine à concrétiser dans les urnes le succès de ses idées ».

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1- « Législative en Grande-Bretagne : un bastion pro-Brexit vote contre le chef du parti europhobe », 24 février 2017, le Monde (site Internet), article non-signé.

2- Eric Albert : « Royaume-Uni : défaite cuisante des travaillistes à une élection partielle, le Monde (site Internet), 24 février 2017.

 

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